Le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l’homme, devant celui du poumon ou du côlon. Le nombre de nouveaux cas est estimé à plus de 55 000 chaque année, dont près de 10 000 sont des cancers à haut risque métastatique. Les récents résultats de l’étude clinique LATITUDE viennent bouleverser leur prise en charge.
Le cancer de la prostate et sa prise en charge
Depuis 70 ans, aucun réel changement n’a été observé dans la prise en charge d’un patient diagnostiqué d’un cancer de la prostate métastatique (la tumeur envahit les organes voisins). Ces derniers étaient traités par hormonothérapie seule. En effet, les hormones masculines (aussi appelées hormones androgènes) dont la testostérone, influencent la multiplication des cellules de la prostate. Ainsi, il est possible de freiner la croissance tumorale en s’opposant à l’action de ces hormones, c’est ce que l’on appelle l’hormonothérapie. Elle repose sur l’utilisation d’analogues ou antagonistes de la GnRH, et peuvent être prescrits en complément d’anti-androgènes.
A savoir ! La GnRH (aussi appelée LHRH) est une hormone impliquée dans la production de testostérone au niveau des testicules. Les « analogues de la GnRH » ou « antagonistes de la GnRH » sont des substances ayant la même apparence que l’hormone mais avec un effet bloquant sur la production de testostérone.
L’action des anti-androgènes repose non pas sur le blocage de la production de testostérone (comme c’est le cas des analogues de la GnRH) mais sur son action directement au niveau de la cellule prostatique. Ils prennent la place de la testostérone au niveau des récepteurs hormonaux cellulaires.
A savoir ! Pour rappel, l’action de la testostérone repose sur sa fixation à des récepteurs cellulaires dans les tissus cibles.
Cependant, que ce soit les anti-androgéniques ou les analogues de la GnRH, ils ne permettent pas de bloquer totalement la production de testostérone. En effet, leur action se limite aux testicules alors que l’hormone est également produite au niveau des glandes surrénales (petites glandes positionnées au-dessus des reins) ou de la tumeur.
Les résultats bouleversants de l’étude LATITUDE
A l’occasion du congrès de l’Asco (American Society of Clinical Oncology) qui s’est déroulé à Chicago du 2 au 6 juin dernier, le Pr Karim Fizazi, chef du département d’oncologie médicale à l’institut Gustave Roussy, a présenté les résultats de son étude LATITUDE. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ces révélations vont bouleverser la pratique de référence concernant les cancers de la prostate métastatiques.
L’étude LATITUDE est un essai clinique réalisé sur près de 1 199 patients souffrant d’un cancer de la prostate métastatique dans 34 pays. Deux groupes ont été constitués par tirage au sort :
- Patients recevant l’hormonothérapie classique plus l’Acétate d’abiratérone et Prednisolone
- Patients recevant uniquement l’hormonothérapie classique
A savoir ! L’acétate d’abiratérone (ZYTIGA ®) est un inhibiteur de la synthèse androgénique. Il est toujours prescrit avec un corticoïde (type prednisone ou prednisolone) en raison du risque de réaction minéralocorticoïdes (œdème, hypertension artérielle et hyperkaliémie), prévisibles compte tenu de son mode d’action.
Les résultats de l’analyse intermédiaire se sont avérés très positifs. Ils révélaient pour le groupe hormonothérapie + acétate d’abiratérone (+ prednisolone) :
- Une réduction de 38% du risque de décès ;
- Un taux de survie à 3 ans de 66 % (par rapport à 49% dans l’autre groupe).
Au vu des très bons résultats observés, l’analyse intermédiaire s’est transformée en analyse finale. Le Pr Karim Fizazi conclu sur l’efficacité de l’association hormonothérapie et acétate d’abiratérone : « L’étude LATITUDE démontre que l’abiratérone administrée dès la prise en charge du cancer en plus d’une hormonothérapie conventionnelle diminue d’environ 40% le risque de décès et de plus de 50% le risque de rechute du cancer après deux ans et demi de suivi ».
Par ailleurs, en plus d’améliorer considérablement l’espérance de vie des patients, cette association permet de limiter l’ensemble des complications liées à la maladie, et de retarder les troubles osseux (fracture, douleur, etc.). C’est incontestable, l’abiratérone devient le nouveau standard dans les formes métastatiques du cancer de la prostate.
Le Pr Fizazi, quant à lui, ne compte pas s’arrêter là. Il poursuit ses recherches (étude clinique GETUG 12) en évaluant cette fois-ci l’association de l’abiratérone à l’hormonothérapie et la chimiothérapie. Les premiers résultats sont attendus à partir de 2020 !
Charline D., Pharmacien
– Cancer de la prostate métastatique : LATITUDE fait le buzz à l’ASCO ! JIM. Le 12 juin 2017.
– Epidémiologie des cancers. INCa. Le 5 février 2016.
– Cancer de la prostate : ASCO 2015 va transformer les standards de traitement. Gustave Roussy. Le 29 mai 2015.