Avec plus de 50 000 nouveaux cas annuels, le cancer de la prostate est l’un des cancers les plus fréquents en France, et son incidence est en constante augmentation. L’amélioration du dépistage, grâce notamment au marqueur PSA (Prostatic Specific Antigen) a permis de diagnostiquer les malades plus précocement et à des stades moins avancés de la maladie. Mais le PSA montre ses limites et d’autres marqueurs pourraient prochainement être utilisés pour mieux dépister ce cancer.
PSA et dépistage du cancer de la prostate
En 1980, la découverte du PSA (Prostatic Specific Antigen) comme marqueur du cancer de la prostate a révolutionné le dépistage, le diagnostic et le suivi des patients atteints de ce cancer. Il a en effet permis de dépister les patients plus précocement à des stades moins avancés de la maladie, mais aussi de suivre l’efficacité des traitements anticancéreux mis en place.
Mais l’utilisation du PSA connaît des limites. En effet, certaines personnes ont un taux anormalement élevé de PSA, sans être atteint d’un cancer de la prostate. A l’inverse, d’autres personnes ont un taux faible de PSA, mais ont un cancer de la prostate. Ces cas de tumeurs prostatiques associées à un taux faible de PSA représentent environ 15 % de cas de ce cancer.
Ces constats ont conduit à une utilisation plus prudente du marqueur PSA, mais aussi à la recherche de nouveaux marqueurs du cancer de la prostate. Ainsi, le dépistage systématique par un dosage du PSA n’est pas recommandé dans la population générale, pour limiter le sur-diagnostic et le sur-traitement de tumeurs non évolutives.
Vers de nouveaux marqueurs du cancer de la prostate
Face aux limites du marqueur PSA utilisé seul, différents marqueurs potentiels ont été étudiés et certains sont d’ores et déjà utilisés en pratique clinique, en complément du PSA :
- Des marqueurs au niveau du génome des cellules ;
- Des marqueurs de l’expression des gènes :
- PCA3, dosé dans les urines, qui s’avère un marqueur très prometteur ;
- L’alpha-méthyl-acrylCoA racémase, enzyme surexprimée dans les cellules d’une tumeur prostatique ;
- De nouveaux antigènes prostatiques, dont les résultats sont peu encourageants pour l’instant ;
- Les cellules tumorales circulantes, actuellement utilisées comme facteur pronostic pour les patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormono-résistant.
Parallèlement, les chercheurs s’intéressent de près à la sarcosine (produit du métabolisme cellulaire), dosée dans les urines des patients. Des travaux ont permis de démontrer l’augmentation de la concentration de sarcosine à deux niveaux :
- Dans les tumeurs localisées par rapport aux tissus sains ;
- Dans les cancers métastatiques par rapport aux cancers localisés.
La sarcosine pourrait ainsi s’avérer un marqueur prédictif de l’évolution du cancer de la prostate. Des études complémentaires sont en cours sur ce métabolite.
Un score de risque polygénique pour cibler le dépistage
Dans le cadre des marqueurs au niveau du génome des cellules, des variantes génétiques ont pu être associées au risque de cancer de la prostate. Des chercheurs ont récemment eu l’idée de développer un score de risque polygénique, pour prédire le risque de tumeur prostatique agressive. Leur étude s’est déroulée en deux étapes :
- Le développement du score de risque polygénique sur 31 747 hommes d’origine européenne, dont 18 868 atteints d’un cancer de la prostate (10 365 cas de tumeurs agressives et 5 406 cas de tumeurs très agressives).
- La validation de ce score de risque sur 6 411 patients ayant bénéficié d’un dosage du PSA, dont 1 583 cancers prostatiques (632 tumeurs agressives, 220 tumeurs très agressives).
Le score de risque est basé sur la présence de 54 variantes génétiques associées au cancer de la prostate. Dans la première phase de l’étude, le score de risque était associé au risque tumoral et permettait de prédire avec précision l’âge du diagnostic d’une tumeur prostatique agressive. Dans la seconde phase, 76 % des tumeurs agressives ont été recensées chez des hommes ayant un score de risque élevé.
La valeur prédictive du score de risque polygénique n’était pas améliorée par la connaissance des antécédents familiaux des patients. En revanche, l’usage de ce score augmentait la valeur prédictive d’un taux élevé de PSA.
Les résultats de cette étude suggèrent l’intérêt d’un score de risque polygénique pour déterminer les hommes à risque de développer une tumeur agressive et l’âge auquel le dépistage doit commencer. Même si des études complémentaires restent nécessaires pour valider ce score, notamment dans les populations d’origine non européenne, un tel score pourrait être très utile pour pallier aux limites du PSA dans le dépistage du cancer de la prostate.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Polygenic hazard score to guide screening for aggressive prostate cancer: development and validation in large scale cohorts. Seibert, T.M. and al. 2018. BMJ 360. DOI