La 114e édition du congrès de l’Association Française d’urologie a été l’occasion de communiquer sur les nouvelles recommandations de prise en charge du cancer de la prostate. Cette mise à jour a pu se faire à la lumière de données récentes relatives aux moyens diagnostiques et au dépistage précoce de ce cancer.
Le cancer de la prostate en France
Cancer le plus répandu chez les hommes de plus de 50 ans, le cancer de la prostate est à l’origine de 9 000 décès par an en France. Si les progrès dans le diagnostic et les traitements ont permis d’améliorer visiblement la survie des patients ces dernières années, les avancées de la recherche en matière de prévention, dépistage et traitement demeurent cruciales.
A ce jour, le diagnostic de première intention du cancer de la prostate repose sur le toucher rectal qui doit être réalisé de façon systématique. Le cancer est soupçonné quand le médecin détecte un nodule dur, irrégulier mais non douloureux. Toute anomalie détectée doit donner lieu à des tests sanguins, des biopsies de la prostate et des IRM.
Dans ce contexte, la 114e édition du congrès de l’Association Française d’urologie (AFU) a été l’occasion de communiquer sur les nouvelles recommandations de prise en charge du cancer de la prostate. Cette mise à jour a pu se faire à la lumière de données récentes relatives à la génétique de ce cancer, aux moyens diagnostiques et à son dépistage précoce. Le docteur François Rozet, de l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris, a supervisé la rédaction de cette mise à jour et témoigne : « L’effervescence scientifique dans le cancer de prostate est grande et a conduit ces dernières années à la réalisation de nombre d’études ayant motivé une actualisation, dans l’intervalle de la rédaction de nouvelles recommandations ».
De nouvelles recommandations en termes de dépistage
S’agissant du dépistage des patients à risque, l’accent a été mis sur l’importance des consultations en oncogénétique. Ces consultations ont pour but de rechercher le gène BRCA2, considéré comme un facteur de risque majeur de développer une forme agressive du cancer de la prostate. Les critères ayant été mis à jour, les consultations en oncogénétique sont désormais à envisager dans les cas suivants :
- Quand les antécédents familiaux révèlent 3 cas de cancer de la prostate (ou 2 cas chez les moins de 55 ans) chez des individus apparentés au premier ou au deuxième degré.
- En cas de détection d’un cancer chez un patient de moins de 50 ans.
Il est conseillé aux patients mutés BRCA2 ou HOXB13 mais sans cancer de la prostate diagnostiqué, d’effectuer chaque année un dépistage par dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) et toucher rectal, dès l’âge de 40 ans. Le dosage du PSA est à renouveler tous les deux à quatre ans pour les hommes avec un PSA supérieur à 1 ng/mL, en fonction du profil de risque, et tous les cinq ans en cas de PSA inférieur à 1 ng/mL.
À savoir ! Le PSA (pour Antigène Spécifique de la Prostate) est une molécule sécrétée par la prostate qui joue un rôle dans la liquéfaction du sperme après l’éjaculation. Sa concentration dans le sang est proportionnelle à la taille et à l’activité de la prostate. On considère habituellement qu’elle est normale si elle est inférieure à 4 ng/mL. Lorsqu’elle est plus élevée, cela peut indiquer la présence d’un cancer de la prostate. Le PSA est donc utilisé comme marqueur tumoral, lors de toutes les étapes de la prise en charge du cancer de prostate, et parfois pour son dépistage.
Le Dr Rozet a par ailleurs souligné « la place majeure de l’IRM » qui constitue un examen d’imagerie grandement performant pour analyser le tissu de la prostate. L’IRM permet en effet une localisation précise des lésions, une estimation de leur taille ainsi que leur degré de malignité. Cet examen est désormais recommandé dans les cas suivants :
- En première intention, en cas de suspicion de cancer de la prostate, pour repérer la présence ou non d’une cible avant de réaliser une biopsie.
- Dans le cadre de la surveillance active proposée aux patients atteints d’un cancer de la prostate à faible risque de progression.
- Pour le bilan de la surveillance à un an, l’IRM étant à effectuer avant une biopsie.
De récentes études ont enfin démontré l’intérêt de combiner biopsies ciblées et biopsies systématiques dans l’objectif de mieux caractériser le stade du cancer de la prostate.
À savoir ! La biopsie de la prostate consiste à prélever un ou plusieurs petits fragments du tissu de la prostate en passant à travers la paroi du rectum. Cet examen est effectué sous anesthésie locale et sous contrôle échographique.Les biopsies prostatiques classiques « échoguidées » permettent de repérer la prostate du patient en 3D et de la cartographier en une douzaine de régions. Des échantillons de prostate sont alors prélevés avec une aiguille fine dans chacune de ces régions ce qui permet ensuite de disposer d’une analyse globale et standardisée de la prostate. Les biopsies ciblées ont quant à elles pour but de réaliser des prélèvements plus fiables, car une cible suspecte aura été préalablement repérée grâce à une IRM de la prostate.
De nouvelles recommandations en termes de prise en charge thérapeutique
Les dernières recommandations en termes de prise en charge thérapeutique dataient de 2018. Depuis, les nombreuses études réalisées se sont principalement intéressées au cancer de la prostate métastatique hormono-sensible. Le traitement de première intention validé a été celui des anti-androgènes de nouvelle génération (comme l’enzalutamide et l’apalutamide) aussi bien dans les formes très métastatiques (fort volume tumoral) que dans les formes peu métastatiques (faible volume tumoral).
À savoir ! L’essai ENZAMET a mis en évidence le bénéfice de l’enzalutamide, avec une amélioration significative de la survie globale à 3 ans en combinaison avec un traitement standard, comparativement à un anti-androgène classique. Cet essai a mis en évidence un risque de décès réduit de 33% avec l’enzalutamide.
Dans le cas des tumeurs primitives (cancer faiblement métastatique), c’est désormais une radiothérapie locale qui est indiquée, en plus du traitement systémique.
S’agissant des cancers de la prostate à haut risque de récidive, le traitement local par chirurgie ou radio-hormonothérapie est désormais recommandé pour les formes non métastatiques. Une étude intitulée STAMPEDE a en effet démontré une survie sans récidive à deux ans de 89% dans le groupe de patients irradié, contre 64% dans le groupe non irradié.
Quant aux cancers de la prostate résistant à la castration, les scientifiques fondent leurs espoirs sur de nouvelles thérapies : « Chez les patients présentant un cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC), l’apport des nouvelles thérapies qui ont émergé ces dernières années aide à mieux contrôler la progression tumorale et à améliorer la survie », confirme le Dr Rozet. Deux situations se présentent :
- Pour le cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (mCRPC), les scientifiques préconisent désormais d’alterner une hormonothérapie de nouvelle génération et une chimiothérapie.
- Pour le cancer de la prostate non-métastatique résistant à la castration (nmCRPC), à haut risque de métastase, il est désormais recommandé d’ajouter l’apalutamide, l’enzalutamide ou le darolutamide, selon le profil de tolérance. Un bénéfice en termes de survie globale a en effet, été démontré pour les cancers à haut risque qui s’observent chez « 30% des patients résistants à la castration ».
Espérons que ces nouvelles recommandations permettront de proposer une meilleure prise en charge thérapeutique des patients tout en évitant les surtraitements et les surdiagnostics.
Déborah L., Docteur en Pharmacie