Un médicament utilisé dans le cancer du sein et de l’ovaire pourrait fonctionner contre le cancer de la prostate. De part une utilisation ciblée, sur des patients sélectionnés par la génétique de leur tumeur, l’olaparib est une piste très prometteuse. Les résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique The New England Journal of Medicine en avril 2020.
Le cancer de la prostate, une piste thérapeutique enfin ciblée ?
Des chercheurs anglais de l’institut de Recherche sur le Cancer à Londres poursuivent les essais cliniques sur l’olaparib. Cette étude clinique, nommée PROfound, a été initiée en février 2017. Cette étude vise à évaluer l’efficacité de l’olaparib versus deux autres traitements hormonaux traditionnellement utilisés (l’enzalutamide et l’abiraterone) dans le cancer de la prostate.
387 patients, atteints d’un cancer de la prostate métastasique résistant à la castration, ont été répartis en différents groupes selon la génétique de leur tumeur. Ces patients présentaient des altérations d’un ou de plusieurs des 15 gènes de réparation de l’ADN. Ainsi, 256 patients ont reçu un traitement par olaparib et 131 les traitements habituels (groupe contrôle).
À savoir ! De nombreux cancers de la prostate, à un stade précoce, ont besoin de niveaux normaux de testostérone pour se développer. Dans certains cas, ces cancers continuent à se développer même lorsque la quantité de testostérone dans l’organisme est réduite à un niveau très bas (par l’intermédiaire de traitement). On dit que ce sont des cancers de la prostate résistants à la castration (« chimique »).
L’olaparib : un ciblage génétique des patients
Chez près de 30% des patients atteints de cancer de la prostate, leurs tumeurs présentent des altérations dans certains gènes responsables des mécanismes de réparation de l’ADN. Ces gènes altérés sont fréquemment utilisés par la cellule pour réparer son ADN. La réparation de l’ADN n’est donc plus aussi efficace. Ces altérations conduisent à un cancer de la prostate plus agressif. Ces défauts dans la réparation de leur ADN peuvent être un allier efficace dans le traitement de ces tumeurs. Ce talon d’Achille a ainsi été exploité par les chercheurs. Par l’utilisation d’un médicament ciblant une autre voie de réparation de l’ADN, les cellules cancéreuses sont alors fragilisées.
À savoir ! L’ADN est fréquemment soumis à des lésions qui peuvent avoir un impact direct sur la fonction des gènes. Les mécanismes de réparation permettent de réparer et de conserver au maximum l’intégrité de l’ADN et la fonction des gènes. Divers mécanismes existent dont certains sont moins fiables que d’autres.
L’olaparib est un inhibiteur puissant de molécules impliquées dans la réparation de l’ADN (les enzymes poly (ADP-ribose) polymérase humaines, les PARP). L’olaparib, en inhibant ces enzymes, va bloquer une partie de la réparation de l’ADN. Les cellules cancéreuses, présentant déjà des altérations dans certains gènes de réparation de l’ADN, vont ainsi pouvoir être ciblées en bloquant d’autres mécanismes de réparation de l’ADN. Les cellules cancéreuses se verront donc contraintes d’utiliser d’autres alternatives, moins efficaces et moins fiables, pour la réparation de leur ADN. L’accumulation des altérations dans leur ADN conduira à terme à leur mort. Dans le cas des cellules saines, les autres mécanismes de réparation de l’ADN sont présents et fonctionnels. Exploité finement par l’équipe de chercheurs, ce talon d’Achille de la cellule cancéreuse de prostate est ciblé par l’olaparib.
Un ralentissement considérable de la progression de la maladie avec l’olaparib
Les résultats de cette étude se veulent rassurant sur l’efficacité de cette nouvelle piste de traitement. L’olaparib a considérablement retardé la progression de la maladie. Le délai avant l’aggravation du cancer était de 3,5 mois avec un traitement hormonal et est passé à 5,8 mois avec l’olaparib. L’anémie et les nausées sont les effets indésirables les plus fréquemment rapportés avec l’olaparib.
Le professeur Johann de Bono, co-auteur de l’étude, souligne lors d’un communiqué que ces « résultats montrent que l’olaparib – un médicament qui cible le talon d’Achille des cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules normales et saines – peut être plus efficace que les traitements hormonaux ciblés chez certains hommes atteints d’un cancer de la prostate avancé. ».
« C’est fascinant de voir qu’un médicament qui prolonge déjà la vie de nombreuses femmes atteintes de cancer des ovaires et du sein présente désormais des bénéfices aussi importants pour le cancer de la prostate. »
Cette étude souligne l’importance de la génétique des patients atteints d’un cancer de la prostate et ainsi d’adapter les traitements en conséquence.
Baptiste G., Biologiste en immunologie.
– Study of Olaparib (Lynparza™) Versus Enzalutamide or Abiraterone Acetate in Men With Metastatic Castration-Resistant Prostate Cancer (PROfound Study. Clinical Trials. Consulté le 14 mai 2020.
– NCI Dictionary of Cancer Terms. National Cancer Institute. Consulté le 14 mai 2020.
– La réparation de l’ADN. Gustave Roussy. Consulté le 14 mai 2020.