On sait déjà que le tabagisme est un facteur aggravant le risque de survenue de multiples cancers comme celui du poumon, du rein ou de la vessie. Cependant, son implication précise dans celui touchant la prostate reste jusqu’ici sujette à de vives interrogations. Récemment, une analyse de l’ensemble des études cliniques portant sur ce lien tabac – cancer de la prostate montre que « fumer » ou « avoir fumé » est effectivement un facteur qui influence le pronostic de cette pathologie. Retour sur les conclusions des ces travaux publiés dans la revue JAMA Oncology.
Un pronostic plus sombre pour les fumeurs
Pour mener à bien cette revue d’études portant sur le sujet du tabagisme dans le cancer de la prostate, une équipe internationale de chercheurs, menée par le Pr Shariat du département d’urologie de l’université de Vienne (Autriche) et de l’université du Texas à Dallas (Etats-Unis) a effectué une recherche sur les principales banques de données médicales informatisées entre janvier 2000 et mars 2017.
Tous les articles portaient sur des malades atteints du cancer de la prostate et ayant bénéficié d’une première intervention comme une prostatectomie radicale ou une radiothérapie.
Ces études devaient aussi informer sur le profil tabagique (fumeur/non-fumeur/ ancien fumeur) du patient.
Sur un total de 5 157 articles, 16 études ont été retenues avec un nombre total de participants de 22 549. Globalement, 19 % des patients étaient des fumeurs actifs et ils avaient été suivi médicalement au moins pendant 3 ans à l’issue de leur intervention sur leur cancer de la prostate.
Les résultats de l’analyse de l’ensemble de ces données montrent que :
- 8,3 % ont succombé à leur cancer ;
- 21,4 % ont eu une récidive biochimique.
Les auteurs ont constaté, chez cette population, que comparativement aux non-fumeurs, les fumeurs actifs étaient :
- 89 % plus susceptibles de mourir du cancer de la prostate ;
- 151 % plus enclins à développer des métastases ;
- 40 % plus susceptibles de développer une récidive biochimique.
À savoir ! Malgré les progrès constatés ces dernières années suite à une chirurgie radicale ou à une radiothérapie externe, 25 à 50 % des patients atteints par un cancer de la prostate présentent une récidive biochimique, c’est-à-dire une élévation du PSA (Prostatic Specific Antigen), un biomarqueur de la maladie. Il est important pour le clinicien de distinguer entre une rechute locale et une maladie métastatique, ce qui permettra d’orienter le traitement.
Quels risques pour les anciens fumeurs ?
Trois études ont examiné l’effet de l’arrêt de l’intoxication tabagique et deux d’entre elles suggérant un bénéfice si l’arrêt du tabac remonte à au moins 10 ans. Le risque de survenue de récidive biologique était diminué de 40 % comparativement à des fumeurs actifs.
Globalement, les anciens fumeurs conservent un risque majoré de récidive biochimique (+20%) mais non de métastases ou de mortalité spécifique.
En résumé, cette revue démontre que les fumeurs actifs ont un plus haut risque de récidive biochimique, d’évolution métastasique et de décès spécifique que des non-fumeurs.
Ces constatations doivent inciter urologues, médecins traitants et radiothérapeutes à conseiller vivement leurs patients à arrêter de fumer.
D’autres travaux sont nécessaires afin de mieux préciser :
- L’association entre arrêt du tabac et devenir oncologique à long terme ;
- Les mécanismes physiopathologiques à l’origine de ce lien (inflammation de l’appareil urinaire et génital, rôle de la nicotine et de ses métabolites sur les voies cellulaires ou l’ADN etc…)
Julie P., Journaliste scientifique
– Editorial : Smoking and Death From Prostate Cancer. JAMA Oncology. S. Freedland. Consulté le 14 juin 2018.